Brouillards de peines et de désirs.

Brouillards de peines et de désirs.
À propos
Affects, émotions ou passions forment quelque chose comme nos indéfectibles milieux de vie : des atmosphères en mouvement. C´est l´air que nous respirons, que nous traversons, qui nous traverse de ses turbulences. Ainsi marchons-nous dans l´affect, de jour comme de nuit. L´aube même de la littérature européenne ne fut d´abord que parole donnée à l´affect :
C´est quand Homère commença l´Iliade sur la nécessité de chanter une émotion de colère. On y voyait aussi Achille, accablé par la mort de son ami, pris dans un « noir nuage de douleur » : s´allongeant alors dans la cendre et la poussière, comme pour se fondre dans le brouillard de peine qui venait juste de l´envahir.
Ce livre est une traversée ou, plutôt, un vagabondage dans la multiplicité des « faits d´affects ». Dans leurs théories, pour lesquelles il aura fallu convoquer de l´anthropologie et de la phénoménologie, de la psychanalyse et de l´esthétique... Il y fallait aussi des images (de Caravage ou Friedrich à Rodin ou Lucio Fontana) puisque les affects s´y « précipitent » souvent. Non moins que des poèmes (de Novalis ou Leopardi à Marina Tsvétaïeva ou Henri Michaux) qui savent en rephraser l´intensité, et des chroniques (de Saint-Simon ou Marcel Proust à Clarice Lispector) qui savent en raconter le devenir. Enfin il y fallait des gestes puisque nos peines et nos désirs s´expriment sans fin dans nos corps, nos visages ou nos mains par exemple.
Affects, émotions, passions : forces ou faiblesses ? Spinoza, Nietzsche et Freud - qui osa écrire que « l´état émotif est toujours justifié » - en ont établi la puissance en dépit de l´impouvoir même où nous nous trouvons lorsque nous sommes émus. Mais de quel genre de puissance s´agit-il ? Comment se déploie-t-elle ? Où situer sa fécondité ? Quelles transformations produit-elle dans l´économie de nos sens (sensibilité) comme dans l´organisation même du sens (signifiance) ?